Hâm (novel)

Voici une courte nouvelle intitulée "Hâm", écrite il y a pas mal de temps. Je suis retombé dessus par hazard et je me suis dit qu'elle avait sa place par ici. C'est du pur Natanael: fantastique, gras, truculent et humour de bas étage. Mais je la trouve marrante alors je la fais partager. C'est en fait un cycle de nouvelles et de courts romans. Tous les récits ont en commun de se dérouler dans le pays de Graoute. Pays fantastique, bien sur, peuplé de magiciens pervers, de monstres abominables et de fiers guerriers...


HÂM

Les créatures du Pays de Graoute sont multiples. Certaines d'entre-elles sont amicales d'autres le sont beaucoup moins. Le bestiaire est si vaste que Blaam le magicien décida de répertorier dans un ouvrage la plupart des créatures du Royaume. Ces êtres sont entourés de mystères, de légendes et certains ont donné naissance à des récits, des contes ou des nouvelles.
En voici une, tirée de l'ouvrage de Blaam "Bestiaire du Pays de Graoute. Volume 1."
Traduction de Romain Auslip.


Hâm sifflotait gaiement tout en allongeant le pas.
Le sentier était fort agréable en cette saison automnale. Les couleurs miroitaient et l'air embaumait de mille senteurs. Son entrain déclinant, Hâm décida de se reposer un court instant. Avec un soupir de satisfaction il s'assit sur un tronc moussu bordant le sentier. De son sac il sortit du pain blanc, un bout de fromage et sa gourde de vin. Le fromage transpirait et sentait le pied pas lavé depuis six mois mais son goût restait agréable. Il mangeât lentement, savourant chaque bouchée, entrecoupant son repas de rasades de vin rouge.
Lorsqu'il eut fini de manger, Hâm lâcha un pet monstrueux qui déchira le silence des sous bois. Deux oiseaux s'envolèrent avec véhémence. Le jeune homme eut un sourire de satisfaction puis se leva brusquement tant l'odeur était pestilentielle.
Il s'attela alors à ranger ses affaires et à reprendre la route.
C'est alors qu'une voix terrible retentit :
- Qui ose troubler mon repos?
Au son de cette voix, Hâm fût pétrifié, c'était énorme et terrifiant. Il ne pût dire de quelle direction venait ce son.
La voix retentit à nouveau :
- Qui est-tu misérable créature?
Mortifié de peur Hâm serra son sac contre sa poitrine et pleurnicha.
- Je... Je m'appelle Hâm seigneur, je ... je vous en pris, je n'ai rien fais de mal... Je me rendais au village voisin...
Hâm écartilla les yeux et ne pût retenir un cri. Il sentit son urine couler le long de sa jambe.
Devant lui, le tronc d'arbre sur lequel il était assit quelque instants plus tôt, se relevait. Deux bras noueux ainsi que deux jambes se déplièrent. Parmi les plaques d'écorce un visage sévère se dessinait. La créature sylvestre s'ébroua comme pour chasser un long engourdissement. Des copeaux d'écorces et de vieux champignons tombèrent au sol.
Hâm, lui, tomba à genoux. Il ne pouvait détacher son regard de l'incroyable créature des bois.
Lentement l'être étrange s'étira, ses articulations craquèrent comme du vieux bois.
- Ho, putin! Deux siècles dans la même position ça vous flingue! Je suis courbaturé de partout!
- Par tous les dieux, balbutia Hâm rendu vert par la peur, mais qui êtes vous?
Dans un craquement de branches brisées la créature se pencha au-dessus du jeune homme.
Son visage était réduit à la plus simple expression : deux yeux globuleux verdâtres et une fine fente d'écorce en guise de bouche.
Sa voix retentit à nouveau :
- Moi? Mais je suis Gulff! J'appartient à la race des Hommes- arbustes.
Il se redressa en grinçant et se gratta sous l'aisselle, délogeant un écureuil mort.
- Toi, tu es un fils d'homme c'est bien cela? reprit-il.
Hâm acquiesa avec empressement.
- Hum. Je connais bien la race des hommes et je ne l'apprécie guère.
- Je suis un gentil garçon! s'empressa de répondre le jeune homme, je me rendais au village voisin pour me marier! Un honnête paysan, seigneur, voilà ce que je suis!
Gulff semblait réfléchir.
- Honnête? Ho, oui certainement, dit l'homme arbuste, mais pas poli du tout!
- Pardon, seigneur?
- J'ai dis : pas poli du tout!! tonna Gulff.
Hâm se boucha les oreilles et s'aplatit au sol en glapissant.
- Pitié seigneur! Ayez pitié! Je n'ai rien fais de mal! Epargnez-moi par tous les dieux!!!
- Tu a osé me lâcher un pet dessus! hurla Gulff, trouves-tu cela poli? En deux siècles de sieste nulle créature n'avait osé faire une chose aussi abjecte!
- C'était un accident seigneur! Je ne l'ai pas fais exprès! J'ignorais que vous vous trouviez là, seigneur, vous pensez bien!!
- Pense mieux la prochaine fois, dit Gulff.
Il écrasa Hâm avec son énorme poing de bois.
Gulff, s'étira à nouveau et bailla.
- Allez hop, c'est reparti pour un petit somme! Ces exercices m'ont crevé! J'espère que je ne vais plus être importuné par ces hommes à la con!
Il se coucha et se rendormit aussitôt.

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Quelques jours plus tard, alors que les recherches pour retrouver Hâm s'avéraient infructueuses, un groupe de villageois longea le sentier devant le vieux tronc moussu. Les insectes ainsi que les animaux de la forêt avaient avidement nettoyés la carcasse du pauvre Hâm, si bien qu'il n'en restait rien. Son sac, bien qu' abîmé par les intempéries, demeurait là.
- Regardez! s'écria Hâmâ le père de Hâm, c'est son sac! C'est le sac de mon fils, je le reconnais!
Tous se groupèrent autour du vieil homme.
- Enfin un indice! s'exclama Hâmâ, il est donc passé par là. Séparez-vous! Fouillez les alentours!
Les paysans s'éloignèrent en fouillant les buissons et les hautes herbes.
Hâmâ tournait et retournait le sac. C'était le premier espoir valable depuis le début des recherches. Si des brigands s'étaient attaqués à son fils, le sac aurait disparu. Le vieil homme croyait en sa bonne étoile, cette découverte était un bon signe. Hâm avait fugué voilà tout. La peur du mariage sans aucun doute.
Hâmâ secoua la tête, chassant ses larmes. Tout en souriant il mit le sac de son fils dans son propre bagage.
Avant de rejoindre les autres il décida d'uriner contre le vieux tronc moussu afin de se soulager la vessie.

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